Le procès des massacres du 28 septembre 2009, se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d'appel de Conakry. Et, c'est le professeur Hassane Bah médecin légiste qui est appelé à la barre en qualité de témoin.
Dans sa narration, il indique que le 28 septembre (2009) aux environs de 18 heures, il a reçu un appel d'un médecin militaire en fonction aux services de santé des armées.
"Il m'a dit ceci : Docteur, la hiérarchie militaire me charge de vous dire d'aller à la morgue de l'hôpital Ignace Deen, de recevoir les corps des personnes décédées ce matin au stade du 28 septembre et de les mettre à la chambre froide."
Toujours selon ce médecin légiste, lorsqu'il a reçu cet appel, il s'est déplacé pour arriver à Ignace Deen. "J'ai fait à peu près 30 à 45 minutes. Je suis arrivé à Ignace Deen aux environs de 19 heures. Dans l'arrière cour de la morgue pour ceux qui connaissent l'hôpital Ignace Deen qui fait face à la mer, j'ai trouvé des collègues médecins militaires. Ils étaient tous en tenue, ils travaillaient aux services de santé des armées. Il (le médecin militaire qui lui a rappelé) me dit : Docteur il y'a eu morts d'hommes ce matin, c'est pour cette raison que vous allez vous occuper de la réception de ces corps", poursuit Pr Hassane.
Pendant qu'ils (Pr Hassane et médecins militaires) étaient arrêtés dans l'arrière cour de la morgue, ils ont reçu le premier camion militaire et, à son bord, 21 corps accompagnés par des hommes en tenues. "Ils ont commencé à descendre les corps et, entre temps, j'ai demandé aux préposés de la morgue, aux étudiants en médecine qui étaient en stage et à tout le personnel de mettre un dispositif en scène pour pouvoir recevoir les corps et les envoyer dans la chambre froide. Après avoir reçu ces 21 corps, je rappelle que, la morgue d'Ignace Deen a une capacité de dix corps et c'est une morgue qui reçoit les décès hospitaliers et extrahospitaliers. Donc, au moment où ces corps sont arrivés, il y avait naturellement d'autres corps qui étaient déjà dans la chambre froide. Il fallait faire un réaménagement pour pouvoir loger ces corps qui viennent d'arriver. Quelques minutes après, il y'a eu un deuxième camion qui avait à son bord 7 corps. Et tout de suite, j'ai informé les collègues militaires pour leur dire que j'aurai un problème de place pour une capacité de dix corps, j'ai déjà 28 plus les corps qui étaient là, ça me pose un problème.
J'ai essayé avec les préposés de la morgue de faire un réaménagement pour encore recevoir les corps. Pendant que je faisais cet aménagement pour recevoir les corps, il y'a eu un troisième camion qui a déposé 15 corps ce qui fait un total de 43 corps. 43 corps dans un espace de 10 places c'est très difficile pour ne pas dire impossible. J'ai aussitôt réquisitionné la morgue de Donka pour leur dire d'envoyer quelques corps là-bas. Et nous avons retourné quelques corps à la morgue de l'hôpital Donka et avec les décès qui ont suivi parce qu'il y a eu d'autres personnes hospitalisées dans les services de l'hôpital Donka qui sont décédées les jours suivants. On a eu un total de 34 corps logés à la morgue de Donka et 24 corps à l'hôpital Ignace Deen. Alors 43 corps déposés par des militaires, on a eu 6 corps décédés aux services des urgences médico-chirurgicales de Donka. Un (1) qui est décédé en chirurgie générale, un autre malade en chirurgie thoracique et un corps déposé par les sapeurs pompiers, ça, c'était au lendemain des événements du 28 septembre.
À J3 (troisième journée après les événements), nous avons eu deux corps déposés par le CICR, deux corps déposés par le service de la neurosciences. Donc, on a eu à J2 56 corps. À J3, un corps a été déposé par le service de neurochirurgie donc on a eu 57 corps et à J5 un autre décès au service de neurochirurgie ce qui fait 58 corps. Ce sont les 58 corps qui ont été reçus et gérés dans les deux morgues de l'hôpital Ignace Deen et Donka.
Après avoir reçu ces 58 corps, le premier problème, c'est comment loger 58 corps avec une capacité de 10 places à Ignace Deen et plus ou moins 14 à Donka, on avait une chambre froide de dix plus une petite chambre de 4. Alors à Ignace Deen et à Donka, c'est le service de médecine légale qui a géré les corps. Nous avons mis en place un protocole et nous avons essayé dans un premier temps de mettre les corps deux à deux en fonction de la corpulence des corps ce qui fut fait à Ignace Deen et à Donka. On a libéré le plus vite les décès hospitaliers. Il fallait informer les familles qui avaient des parents décédés des suites de maladies hospitalisées, on les invite à venir chercher les corps pour avoir de l'espace. Malgré ces dispositions, il restait des corps qui n'ont pas de places. Il fallait les mettre alors sur les paillasses, c'est là où on fait les toilettes funèbres. Les corps qui ont été déposés sur les paillassons, ont été préparés, embaumés avec formol pour naturellement retarder la putréfaction", a narré Pr Hassane Bah.
Mamadou Djiwo Bah pour guineeTimes.com