Alors que les Forces vives de Guinée, un collectif sociopolitique opposé à la junte au pouvoir, a appelé à des manifestations pour une fin de la transition, les autorités ont répondu par un déploiement massif des forces de l’ordre. A Conakry, la circulation est perturbée.
La veille dimanche 5 janvier au soir déjà, plusieurs colonnes de véhicules de police s’étaient dirigées vers la haute banlieue en empruntant la route Leprince. L’axe (qui va de Hamdallaye à Kagbélen via Bambéto-Cosa-Wanindara) est le plus chaud en pareille circonstance. Au carrefour Concasseur, des gendarmes veillaient au grain, arme à point. Plus tard, il a été fait cas de coups de feu nocturnes tirés dans la zone.
Les jeunes manifestants ont en effet pris l’habitude d’interrompre la circulation et de brûler des pneus sur la voie publique la veille de l’entrée en vigueur des mots d’ordre de manifestations. Une stratégie d’anticipation visant à prendre de court les forces de l’ordre. Les automobilistes, prudents et inquiets, étaient donc rares sur cet axe routier dimanche dès 18h.
Et ce lundi matin, la circulation ne s’est pas améliorée. Au contraire, très peu d’automobilistes s’y risquaient. Côté dispositif sécuritaire, le nombre de véhicules blindés au rond-point de Hamdallaye s’est accru. Un blindé de la police avait également pris position au niveau de la Minière, un quartier traditionnellement calme et sans risque majeur.
La circulation sur la corniche nord Taouyah-Lambanyi est clairsemée. Une fluidité qui contraste avec les embouteillages que connaisse d’ordinaire cet axe. La circulation était normale, en revanche, sur l’autoroute Fidel Castro, l’autre principale voie qui traverse la capitale d’ouest en est, des quartiers et communes traditionnellement acquis au pouvoir.
Départ réclamé du CNRD
Les partis politiques, dont les plus grands (Union des forces démocratiques de Guinée de Cellou Dalein Diallo, Rassemblement du peuple de Guinée d’Alpha Condé, Union des forces républicaines de Sidya Touré) et des acteurs de la société civile réunis au sein du collectif Forces vives de Guinée (FVG) exigent le départ du pouvoir de Mamadi Doumbouya. Et ce conformément à l’engagement de ce dernier pris devant les Guinéens et la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Les FVG de Guinée ont ainsi invité leurs partisans à manifester ce lundi 6 janvier pour pousser la junte du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), au pouvoir depuis le 5 septembre 2021, vers la sortie.
« J’invite les militants et sympathisants de l’UFDG et de l’ANAD [Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie] ainsi que tous les Guinéens épris de justice et de liberté à répondre, avec la plus grande combativité, au mot d’ordre de manifestation pacifique lancé par les FVG à partir du lundi 6 janvier 2025 dans le Grand Conakry. Je compte sur la détermination de tous pour conférer à cette manifestation, organisée pour exiger le départ de la junte, le succès qu’elle mérite », a écrit Cellou Dalein Diallo sur sa page Facebook.
Quant à Alpha Condé, ancien président renversé par Mamadi Doumbouya, il a lancé un appel à l’armée, sur un ton presqu’insurrectionnel. Se réclamant toujours président de la République et « chef suprême des armées », l’ex-chef de l’État qui vit exilé à Istanbul (Turquie) a appelé « tous les corps confondus » à se mettre du côté du peuple pour défendre la patrie, plutôt que de le massacrer.
Manifestations interdites
En Guinée, les manifestations de rue ont été suspendues depuis 2022 par les autorités, au nom de la cohésion sociale. Dans son adresse à la nation du 31 décembre dernier, Mamadi Doumbouya a annoncé une reprise « totale » et « effective » des activités politiques en 2025. « Cette reprise devra se faire désormais dans le respect de l’État, des pouvoirs publics, des dispositions sécuritaires et de l’ordre public, et suivant les règles qui régissent l’exercice des activités politiques. L’État, en toutes circonstances, n’hésitera pas à prendre ses responsabilités », a-t-il toutefois mis en garde.
Dans un communiqué publié le 5 janvier, la gouverneure de Conakry, M’hawa Sylla, a dit avoir appris par voie de presse l’organisation d’une manifestation pacifique à l’appel des Forces vives de Guinée. Elle a déploré qu’aucune autorité communale de la capitale n’ait été saisie d’une telle initiative. « Par conséquent, cette manifestation projetée non autorisée est formellement interdite », a martelé la gouverneure, avant d’exhorter les populations à vaquer à leurs occupations et aux forces de sécurité à « prendre toutes les dispositions nécessaires » pour garantir la libre circulation des personnes et de leurs biens.
Diawo Labboyah