Goma, Nord-Kivu – Une déclaration incendiaire. Ce week-end, Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice, a surpris l’opinion publique avec des propos qui ne laissent pas indifférent. Depuis Goma, épicentre de tensions entre les Forces armées congolaises (FARDC) et les rebelles du M23, il a menacé d'arrêter le président rwandais Paul Kagame ainsi que ceux qui le soutiennent, qu'ils soient Rwandais ou Congolais.
“Notre pays ne sera jamais dominé par les Rwandais. Sachez bien que nous allons les arrêter, et Kagame lui-même, nous allons l’arrêter. Vous tous qui êtes en contact avec les Rwandais et Kagame, nous allons vous transférer à la prison militaire d'Angenga”, a déclaré le ministre sous un tonnerre d’applaudissements.
Le Rwanda accusé de soutenir les rebelles du M23
Les autorités congolaises, soutenues par les Nations unies, accusent depuis des années le Rwanda de financer et d’appuyer logistiquement le mouvement rebelle du M23, qui contrôle plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu. Une crise qui a entraîné des déplacements massifs de population et une instabilité persistante dans la région.
Face à ces accusations, Kigali nie fermement tout lien avec le groupe rebelle. Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, a réagit vivement aux propos du ministre congolais, les qualifiant de “provocation extrême”. Elle a par ailleurs mis en garde contre l’implication supposée de criminels et de prisonniers dans les rangs des forces alliées à l’armée congolaise, une affirmation qui ajoute une nouvelle couche de tension à la crise.
Une rhétorique plus que réaliste ?
Si les propos de Constant Mutamba ont fait écho au sein de la population congolaise, plusieurs experts jugent cette déclaration davantage rhétorique que réaliste. Octave Nasena, avocat au barreau de Kinshasa-Matete, estime que le ministre de la Justice n’a pas la compétence de lancer un mandat d’arrêt contre un chef d’État étranger.
“Le dossier entre le Rwanda et la RDC est avant tout politique, non judiciaire. Ce type de conflit doit être traité au niveau diplomatique. Une arrestation de Paul Kagame ne pourrait relever que de la Cour pénale internationale (CPI), qui est une instance judiciaire”, explique-t-il.
Un avenir sombre pour les relations bilatérales
Pour Nkere Ntanda, professeur à l’université de Kinshasa, ces propos marquent une nouvelle escalade dans la détérioration des relations entre Kinshasa et Kigali. “Les relations entre les deux pays ne sont pas bonnes, et avec de telles initiatives, elles risquent de rester tendues pour longtemps. Il faut beaucoup d’efforts pour envisager une reprise des dialogues diplomatiques.”
La crise régionale est exacerbée par l’occupation prolongée de localités stratégiques dans le Nord-Kivu par les rebelles du M23. Pendant ce temps, la population civile continue de subir les conséquences d’une instabilité chronique, entre déplacements forcés, violences et privations.
Quelles solutions ?
Alors que les discours enflammés alimentent les passions, les observateurs internationaux plaident pour une résolution pacifique du conflit. La CPI demeure un recours possible en cas de preuves tangibles contre des acteurs impliqués dans des crimes de guerre ou contre l’humanité. Mais pour l’instant, le chemin vers une solution durable semble semé d’embûches.
Face à l’urgence humanitaire et sécuritaire, la communauté internationale pourrait jouer un rôle clé dans la médiation entre les deux voisins. Mais pour que cet objectif soit atteint, il faudra d’abord éteindre les feux de la rhétorique guerrière.
Source : Guineetimes.infos