Juste un mot : Silence, on s’émeut ! (Par Diallo Souleymane)

2 weeks ago
LES CHIMPANZÉS DE BOSSOU -GUINEE

Rien n’y fait, l’émotion m’envahit. Je le déplore. Un homme politique qui tient à sauver sa tête ne devrait pas vous empêcher de dormir. Hélas ! Devant le tribunal de Kaloum, Aliou Bah s’est livré à une plaidoirie, un MoDel du genre, du jamais vu du monde politique de la Guinée indépendante. Du PDG au CNRD. De la demande d’une hypothétique clémence propre à « la 5ème colonne » aux arguties  insipides d’un juridisme de circonstance, en passant par le silence pesant des roublards-grimpeurs, ce pays aura tout vu, tout entendu, tout encaissé.

Face aux magistrats chargés de le juger pour offense et diffamation du Général Doumbouya, Aliou Bah fait montre de courage, vérité, humilité, clarté. Même « ceux qui n’ont de carte que la carte de presse » les lui reconnaissent. Nul besoin d’exhiber celle du MoDel pour s’en convaincre. « Chaque jour, dit Aliou Bah, la question que je me pose, c’est de savoir ce que je peux faire pour rendre à la Guinée le peu qu’il soit. Ainsi, au regard de ma connaissance de l’histoire politique de notre pays et des difficultés que chacun de nous peut constater quotidiennement : l’extrême pauvreté, le désespoir, la misère caractérisent les mauvaises sociétés que nous sommes. Ça me désole que nous soyons parmi les pays les plus pauvres du monde. Ça me désole quand je voyage, je constate que nous sommes l’un des plus grands pays pourvoyeurs de demandeurs d’asile dans le monde. Dieu merci, nous n’avons jamais été un pays en guerre. Mais aujourd’hui, à mon entendement, la Guinée est plus misérable que certains pays en guerre. »

L’accusé politique abonde dans les préoccupations de l’homme de la rue, du Guinéen lambda. La nature du procès s’en trouve profondément affecté. « C’est un procès de l’histoire et de la liberté. Je sais d’ici beaucoup de choses que je peux vous dévoiler. Quelle que soit son issue, tous ces humains qui ont perdu confiance en la justice, qui n’ont plus foi en leur pays, toutes ces ressources que nous perdons chaque jour, qui s’exportent dans la sous-région, dans le monde, si nous ne faisons pas en sorte que la justice puisse fonctionner normalement, nous perdrons la Guinée. Ce pays a frôlé régulièrement le risque de basculer par le fait de l’injustice. »

Aussi, le procès du leader du MoDel s’étend-t-il à des domaines inattendus : politique, social, économique, sécuritaire, pour citer les moins visibles. Il revêt un caractère national, à  son corps défendant. L’issue ne dépend pas seulement de l’ultime conviction des juges, mais des moyens dont ils disposent pour prendre leur décision. On a tout entendu sur les lois possibles dans ce procès. Un célèbre avocat en a dressé une liste quasi exhaustive : liberté de la presse, cyber-sécurité et protection des données à caractère personnel, celle portant application de l’article 37 de la Constitution du 7 mai 2010 qui protège le président de la République contre les offenses, les injures et les calomnies.

Pourtant, il est à espérer qu’en 2025, le procès d’Aliou Bah ne laissera pas nos esprits voguer vers Galilée de 1633 à Rome. Et que le leader du MoDel ne retournera pas à l’hôtel 5 Étoiles de Coronthie, convaincu qu’il est, comme Galilée, que la terre  tourne.

Diallo Souleymane

Read Entire Article
Articles - News - SiteMap