Interview : Sandrine de Saint Sauveur, PDG du groupe APG “

2 years ago
LES CHIMPANZÉS DE BOSSOU -GUINEE

A la tête du plus important réseau commercial pour les compagnies aériennes régulières, Sandrine de Saint de Sauveur revient sur les succès d’APG, le partenariat entre son groupe et les compagnies africaines mais aussi les perspectives… Nous vous informons que Thierno Diallo alyas ‘’Diallolondres’’ est le Directeur Pays pour APG-Guinea.

 

APG est présent dans le monde entier et vous avez autour de 200 compagnies clientes. Pourquoi vous intéressez-vous à l’Afrique ?

Sandrine de Saint Sauveur : Nous devons tous la considérer et la respecter : c’est 54 pays, près de 1.5 milliard d’habitants, une population très jeune et un taux de croissance bien supérieur à l’Occident. Les Africains ont besoin de voyager, c’est vital et le réseau aérien reste le plus adéquat face au gigantisme de ce continent. Historiquement APG a toujours collaboré avec des compagnies aériennes africaines et nous avons toujours été présents en Afrique et ce depuis 1991 puisqu’un des membres fondateurs de APG Network était notre associé en Egypte.

 

Quelles principales difficultés et quelles satisfactions rencontrez-vous dans vos relations avec les responsables des compagnies ?

Les difficultés sont inhérentes à la perception du temps. Lancer une nouvelle compagnie, une nouvelle route : cela demande une certaine anticipation qui s’interprète différemment selon les cultures et nous devons toujours nous adapter. Ce qui est formidable, c’est que j’apprends toujours au contact des responsables des compagnies.

 

La pandémie du Covid-19 a généré un désastre pour le transport aérien mondial. Quelle est votre analyse pour le transport aérien africain ?

Au niveau mondial, le transport aérien était devenu fou. Si ce secteur a perdu en 1 an ce qu’il a gagné en 20 ans, c’est que quelque chose ne tournait pas rond.

En fait, personne n’a payé le prix juste et cela a arrangé tout le monde : les constructeurs qui ont vendu toujours plus d’avions, les compagnies aériennes qui recevaient les avions pour être plus gros que leurs concurrents et qui devaient trouver des débouchés pour les faire voler créant ainsi une surcapacité, les distributeurs rémunérés à la transaction et non plus au chiffre d’affaires, les gouvernements désireux de montrer le désenclavement de leur pays source d’essor économique, et enfin le client, … comme moi, qui trouvait plus intelligent de payer toujours moins cher : quand je débourse seulement 150 euros pour faire 4 heures de vol, c’est anormal : cela paye le fuel pour 30 min de vol. J’ai été complice, comme beaucoup de passagers et tous les acteurs de la chaine, de cette fuite en avant. J’espère que cette crise permettra aux compagnies aériennes africaines (et aux autres) de valoriser et d’expliquer les bénéfices des nouveaux avions. Utilisons cette crise pour éduquer le client : il est à bord et donc captif : les compagnies doivent expliquer les avantages de l’appareil sur lequel il vole, ses économies en consommation, mesurer son bilan carbone etc. L’avion n’est pas une commodité, c’est bien plus que ça… Il incombe aux compagnies de changer leur marketing basé presque exclusivement depuis 20 ans sur des prix d’appel qui ne payent pas les coûts. Ainsi, on fait croire au client que l’avion n’est pas cher… C’est faux.

 

Vous avez créé plusieurs services destinés à assurer la distribution et la commercialisation des compagnies aériennes. A votre avis, quels sont ceux les plus adaptés aux compagnies africaines ?

Il n’y a pas d’outils plus adaptés aux compagnies africaines: toutes les compagnies doivent pouvoir accéder aux mêmes outils et savoir-faire.

La beauté de ce secteur c’est que le marché est mondial. Vraiment. Donc une compagnie doit pouvoir être vendue sur des marchés porteurs même lointains. Or tout ce qu’on ne connait pas semble complexe et prend du temps: APG c’est le modem entre le marché (et donc leurs clients mondiaux potentiels) et la complexité due à l’éloignement. APG c’est l’accès à la Chine en chinois, les USA (et on ne traite pas la côte Est, comme la côte Ouest), l’Europe,

l’Asie, l’Amérique Latine avec les difficultés administratives … Tous nos produits se déclinent en deux axes : accès à la distribution mondiale avec la connaissance de chaque marché, ventes et marketing des compagnies aériennes grâce à nos bureaux locaux. Le tout de façon sécurisée. Tout le monde a besoin de remplir ses avions, et pas à n’importe quel prix. APG a investi lourdement dans les nouveaux standards de distribution IATA NDC : typiquement les compagnies qui ne seront pas à même de montrer leur différenciation de produits seront écartées. Nous avons cet outil ainsi que le réseau de vente mondial. Pareil avec notre produit interline : un seul accord interline avec notre compagnie aérienne IATA et vous accéder à +170 pays et des milliers d’agences de voyages.

 

Y-a-t-il des zones dans le monde où la coopération avec APG est la plus profitable pour les compagnies africaines ?

Les flux de trafic pour les compagnies aériennes africaines sont locaux, régionaux ou bien sur des axes tels que : Chine/UAE/Inde/ Europe/USA/ Amérique Latine. Nous avons une forte présence locale sur tous ces continents et depuis plus de deux décennies. Mais APG est également présent dans de nombreux pays africains : nous pouvons aider les compagnies sur leurs marchés régionaux de bouts de ligne.

 

Vous avez entamé des discussions avec l’ATAF (Association des Transporteurs Aériens Francophones), qu’en attendez-vous ?

APG et APG Airlines sont membres de l’ATAF depuis de nombreuses années. En tant que sociétés françaises avec une forte présence en Afrique, la coopération avec l’ATAF cela est une évidence. Nous pouvons échanger avec nos clients … et futurs clients… La relation intuitu personae est importante dans notre métier et l’ATAF offre ce cadre assez unique.

 

Quels sont vos rapports avec l’AFRAA ?

Nos rapports avec l’AFRAA sont anciens et nous sommes de vrais partenaires. Ce sont des relations de confiance et nous sommes toujours présents aux événements de l’AFRAA, comme l’AFRAA est toujours présent à nos événements.

 

Que pouvez-vous apporter aux compagnies aériennes pour assurer leur développement?

Des passagers qui payent pour remplir les avions !

Et pour cela il faut mettre en place les outils de distribution et de commercialisation partout dans le monde. Je dis aux compagnies: concentrez-vous sur vos opérations et sur votre home market ; nous pouvons faire le reste et à coûts variables.

 

Je crois savoir que vous avez créé une sorte de centre de formation aux métiers de la distribution. Pouvez-vous nous dire en quoi il consiste et comment les transporteurs africains peuvent y avoir accès ?

 

Oui nous avons créé APG Academy : ce sont des cours on line sur la distribution et la commercialisation. C’est intéressant de voir qu’il existe des manuels, des procédures extrêmement précises pour les opérations aériennes et qu’il n’existe aucun manuel sur la distribution et la commercialisation. Pourtant ce n’est pas parce qu’un avion vole que les passagers sont à bord et paye leur billet !

Nos cours sont des modules simples, rapides et adaptés aux personnes du management. Ils offrent une vue d’ensemble sur des fondamentaux tels que le circuit de l’argent. Pour y accéder il suffit de se connecter sur http://www.apg-academy.com/

 

Les relations avec l’Europe sont très importantes pour le transport aérien africain. Le marché est actuellement dominé par les compagnies européennes. Comment les compagnies africaines peuvent-elles prendre toute leur place ?

 

 Elles doivent le faire : il ne tient qu’à elles de prendre leur place. Tous les outils sont là. Il faut de l’action, en continu, avec un seul objectif et dans la durée. A elles de faire les choix qui s’imposent : les compagnies aériennes sont un fabuleux outil de développement économique de leur pays qui prennent tout leur sens quand les objectifs sont communs et à long terme.

Mais elles doivent clairement définir et travailler leurs produits pour se distinguer des compagnies européennes. Avoir pour seule stratégie d’être moins cher que son concurrent est suicidaire.

 

Certains transporteurs africains réussissent très bien. C’est en particulier le cas d’Ethiopian Airlines. Pourquoi n’en est-il pas de même des autres compagnies aériennes?

 

Comme dans toute entreprise, la différence se fait sur le leadership et sur une vision à long terme. C’est une volonté au plus haut niveau, une décorrélation entre le politique et la gestion, une véritable conviction de ce qui doit être, avec un sens aigu du devoir et de l’action ; et on ne lâche rien.

Etes-vous confiante dans l’avenir particulièrement pour le transport aérien africain ?

 

Bien sûr ! Ce qui n’a pas lieu d’être disparaitra ; ce qui fait sens se renforcera : le transport aérien désenclave les pays, favorise les échanges et est un vrai facteur de paix.

En revanche vendre à perte pour montrer que son avion vole est une bêtise. La compagnie aérienne n’est pas là pour satisfaire des égos : c’est un outil économique d’un pays, d’une région avec une touche supplémentaire irrationnelle car on touche au mystère : un avion vole, en toute sécurité, part à l’heure… et tout ça tient du miracle ! Nous devons tous en être conscients de l’incroyable technologie développée et donc payer le juste prix.

 

Par La rédaction – 31 octobre 2021

 
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