Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara vers le mandat de trop

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LES CHIMPANZÉS DE BOSSOU -GUINEE

Par LEDJELY.COMvendredi 10 janvier 2025 à 02:13

Pour ceux qui espéraient voir le président ivoirien passer la main, c’est sans doute une douche froide. Autant Alassane Ouattara s’était gardé d’aborder la question sensible de sa candidature à la prochaine élection présidentielle dans son discours de nouvel an, autant hier jeudi, en marge des échanges des vœux de nouvel an avec le corps diplomatique, il a dévoilé son intention de briguer un quatrième mandat. En effet, même s’il essaie de maintenir un semblant de suspense en assurant qu’il n’a pas encore pris la décision, il aura quand même avoué son « désir de continuer à servir ». Plus qu’un indice, c’est là une volonté clairement exprimée. Sauf un imprévu susceptible de perturber son agenda, Alassane Ouattara briguera donc bel et bien un nouveau quinquennat. Un nouveau bail qu’il a bien le droit de solliciter, en vertu de la constitution, mais auquel il devrait cependant renoncer, pour son image et pour le bien de la Côte d’Ivoire et même de toute la région ouest-africaine.

Ça y est ! Alassane Ouattara dévoile ses ambitions. A 83 ans révolus dont les 15 derniers passés au pouvoir, le président ivoirien ne consent donc pas aller à la retraite. A l’appui de sa volonté de briguer le quatrième mandat, il met en avant son état de santé qui serait excellent. Mais franchement, là n’est pas la question. Sa décision doit être uniquement appréciée en rapport avec l’opportunité pour lui de briguer un troisième mandat et sur la base des risques que ce dernier bail pourrait faire courir à son image et à la stabilité de son pays et de l’ensemble de la région.

Pour ce qui est de l’opportunité, il y a que le président ivoirien lui-même le dit : il n’est plus obligé de s’offrir un quatrième mandat. En effet, au cours de la rencontre d’hier, Alassane Ouattara a indiqué qu’il y a au moins six personnalités au sein de son parti qui soient capables de poursuivre ses œuvres. On n’est donc plus dans le cas où il arguait de la disparition inattendue de son ancien premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Cette fois, en principe, Alassane Ouattara a clairement eu cinq nouvelles années pour préparer un successeur. Déjà qu’il assimilait son troisième mandat à un sacrifice de trop, il ne peut et ne doit pas nous servir autre chose. Il s’y ajoute qu’il y a cinq ans, il appelait clairement à un renouvellement générationnel. Ce qui voulait surtout dire qu’il souhaite que le trio de dinosaures qu’il formait avec Laurent Gbagbo et Henri-Konan Bédié puisse s’éclipser pour laisser la place à une nouvelle génération. Eh bien, d’une certaine façon, il a aujourd’hui l’occasion d’exaucer ce souhait. En effet, Bédié ayant tiré sa révérence, alors que Laurent Gbagbo, lui, est inéligible, il suffirait juste qu’il renonce à ce dernier mandat. Il passerait alors pour quelqu’un qui a honoré ses engagements et partirait avec le sentiment du devoir accompli, eu égard à son bilan économique plutôt élogieux.

A l’inverse, s’il s’obstine à rester, il pourrait bien entacher ce bilan-là. Car son quatrième mandat pourrait se heurter à des vents particulièrement défavorables. Parce que dans cette région ouest-africaine en proie à de profondes transformations, Alassane Ouattara est davantage perçu comme étant en sursis. Déjà, lui et Alpha Condé, avec leurs troisièmes mandats respectifs en 2020, sont décrits comme étant en partie co-responsables de la déflagration qui guette désormais la CEDEAO. Or, il se trouve qu’en Côte d’Ivoire même, certaines plaies ne sont pas cicatrisées. Derrière les discours magnifiant la paix et les chansons dédiées à la réconciliation, il y a des rancunes tenaces et des frustrations longtemps contenues. En somme, le feu est sous la cendre. Et c’est toute cette harmonie quelque peu de façade que l’on risque de perturber avec un processus électoral conduit de manière cavalière. Et bien sûr, il ne faut jamais perdre de vue le fait que dans cette région, il y a toujours des acteurs, qu’ils soient internes ou externes, qui n’attendent que la petite peccadille pour s’engouffrer dans la brèche. C’est dire qu’une nouvelle candidature d’Alassane Ouattara, bien que légale, n’est néanmoins pas sans risques.

Boubacar Sanso Barry

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